dimanche 22 février 2009

Le Hamas


L'arbre du Hamas ne doit pas cacher la forêt de l'occupation


Ce qui étonne le plus, depuis l'invasion de Gaza par l'armée israélienne, est la perte de mémoire dont semblent être affectés la plupart des commentateurs de cette sale guerre – le mot n'est pas trop fort – dans laquelle Israël s'est engagé. L'on débat, en effet, de savoir qui, du Hamas ou du gouvernement israélien, a rompu la trêve, ou de la gravité respective des morts d'Ashkelon et de Sderot et de ceux de Gaza.
Non que ces aspects du conflit soient négligeables. Il faut répéter ici que toute mort de civil, de quelque bord qu'il soit, constitue un crime de guerre. Il faut redire également que les forces démocratiques doivent partout, et en particulier dans le monde arabe, s'opposer au Hamas, porteur d'un projet de société aux antipodes de nos principes et de nos valeurs.
Cela posé, il convient tout de même de rappeler quelques évidences. Les causes de la tragédie d'aujourd'hui ne remontent pas à quelques mois, ni à quelques années. C'est dans l'occupation israélienne de la Cisjordanie et de Gaza depuis 1967 qu'il faut en voir la raison essentielle, sinon la seule. C'est dans le refus d'Israël de reconnaître le droit à l'indépendance des Palestiniens et de signer une paix définitive fondée sur un compromis territorial dont les bases sont connues qu'il faut chercher la cause de l'adhésion d'une partie de la population palestinienne à la stratégie du Hamas. En poursuivant une colonisation forcenée de la Cisjordanie et en ôtant ainsi toute chance à la paix, en affaiblissant l'Autorité palestinienne par son refus de toute concession, Israël a offert au parti islamiste la possibilité de se présenter comme le seul véritable mouvement de libération.
Et le retrait israélien de Gaza en 2005, dira-t-on ? Ce serait une erreur que d'y voir une concession israélienne. Cette minuscule bande de terre surpeuplée et coupée du monde est, en effet, une « patate chaude » dont aucun Etat limitrophe ne veut, ni l'Egypte ni Israël. Ce dernier a, de fait, cherché à s'en débarrasser en faisant passer son retrait pour un « douloureux abandon » en faveur de la paix. L'extraordinaire brutalité du traitement infligé par le gouvernement israélien à Gaza n'a, en outre, pas peu contribué à y renforcer la légitimité du Hamas aux yeux de sa population.
Le vrai drame d'aujourd'hui est la transformation d'Israël en une véritable société en armes. Outre le fait que l'autorité civile y fait le plus souvent soumission à la décision de l'armée, l'écrasante majorité de la population s'avère incapable de penser son avenir au sein de sa région hors de l'équation militaire. Plus d'une fois, certes, l'attitude des régimes arabes et des directions palestiniennes successives l'y a aidé. Mais, aujourd'hui, c'est l'autisme de l'Etat hébreu et la suicidaire cécité de son opinion qui constituent l'obstacle à la paix. Tant qu'Israël ne changera pas d'attitude, tant qu'il se fera dicter sa conduite par la partie la plus extrémiste de son opinion et de ses forces politiques, il ne devra pas s'étonner de trouver en face de lui des Frankeinstein qu'il aura contribué à fabriquer.

12 janvier 2009


Sophie Bessis, historienne
Tewfik Allal, président du Manifeste des libertés


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